Georges est l’un des pères de la moto en France. C’est un jeune homme moderne. Au début des Années folles, les randonnées au guidon de son deux-roues à moteur ne suffisent plus à étancher sa griserie de la vitesse. Georges Monneret,dont le salon Rétromobile a rendu hommage, relève le défi de la compétition sous plusieurs pseudonymes pour ne pas risquer le véto paternel. Le garçon a du culot et du talent. En 1930, sous le nom d’emprunt Lemoine, il remporte la course de 350 cm3 sur le circuit de Reims-Gueux et celle en 500 cm3, sur le circuit du Camp du Drap d’Or, à Calais. À 21 ans, à Château-Thierry, considérée comme la Mecque des sports mécaniques à la fin des années 1920, il établit un nouveau record de la course de côte qui le propulse sur le devant de la scène. Il devient pilote professionnel. Son ascension est fulgurante.
Surnommé « Jojo la moto », Monneret multiplie les succès. Il est champion de France en 250, 350 et 500 cm3 en 1932. Ce sont les premiers titres d’une longue série sur des machines françaises comme Prester-Jonghi, Koehler-Escoffier et Monet-Guyon. C’est avec cette dernière que le 12 décembre 1932, malgré la température négative qui recouvre de verglas le circuit de Linas-Montlhéry, il bat une série des records du monde sur 1 500 miles, 2 500 kilomètres et surtout 24 Heures. C’est le début d’une longue série de records de vitesse sur longue distance. Il y en aura 183 !
Georges Monneret : moto, auto et bateau
Les succès en deux-roues ne suffisent plus. Georges Monneret brille aussi sur l’eau, devenant champion du monde de hors-bord sur la Seine en 1936. Son sens des trajectoires fait aussi merveille sur quatre roues. Il cumule les victoires au volant de voitures françaises. Des Delage principalement. Aux 24 Heures du Mans 1939, il échoue à la deuxième place après avoir fait la course en tête pendant 20 heures. La guerre ajourne tous les projets. Son fils Philippe dira que « sans les hostilités, il serait passé à la course automobile. » À la fin des hostilités, Georges reprend le fil de son histoire de motard. Il n’a rien perdu de son talent, multipliant les victoires et les titres. Il y ajoute de nouveaux records pour promouvoir ses activités d’importation et de distribution de marques de motos. Sans le savoir, il invente le marketing moderne. L’homme n’a pas froid aux yeux. Il multiplie les expériences. Certaines pourraient le faire passer pour un excentrique. En 1948, il rallie Paris à l’Alpe d’Huez en Vespa. Son obsession des records l’amène à traverser le Sahara en Vespa mais aussi à effectuer un Paris-Londres en à peine 5 heures 30 en traversant la Manche sur son scooter italien transformé en pédalo-catamaran.
Comme une évidence, élevés dans le culte de la moto, les fils de Georges mettent le pied à l’étrier. Nés en janvier 1931, les aînés Jean et Pierre contractent le virus dès leur enfance. À leurs vingt ans, ils se relayent avec leur père pour un Tour du Monde de 40 000 km sur le circuit de Montlhéry au guidon d’une Punch 125 TS. Hélas, Jean est victime d’un grave accident qui le détournera d’une grande carrière. Le temps de réparer la Puch, Georges et Pierre poursuivent l’aventure. Ils relèvent le défi en 24 jours, 21 heures et 43 minutes. Sur sa lancée, Pierre cumule les résultats.
À la suite du record du monde de l’heure sur une AJS, il embrasse une carrière en grand prix. À ce jour, Pierre reste le seul français à avoir réalisé l’exploit de remporter deux grands prix dans la même journée, en 350 et 500 cm3, à Reims en 1954. Au total, il aura participé à dix grands prix en 500, terminant 4e du championnat en 1956. Deux ans avant la naissance de Philippe, le troisième fils de Georges. À l’âge où l’on apprend à marcher, le petit dernier effectue déjà un tour de France, de Dunkerque à Monaco, pour vanter les mérites de la moto Vap 50 cm3. Pendant 1 000 km, le gamin installé dans une remorque respire les gaz d’échappement, et se laisse doucher par des pluies diluviennes. Sans broncher. Pleurnicher n’est pas le genre de la famille.
Le benjamin Philippe contracte le virus
À l’âge où l’on entre à la maternelle, Philippe sait déjà manier le guidon d’une moto. À 7 ans, il ouvre la piste aux pilotes de l’opération « Jeunes Tigres » à Magny-Cours sur son Monkey Honda. Sans doute pour faire le malin, au lieu de rentrer au stand à la fin du tour, il reste sur la piste. Sauf que le directeur de course donne le départ de la course. Apeuré par la meute lancée à ses trousses, l’apprenti-pilote perd le contrôle de sa machine et effectue un tonneau par l’avant. Plus de peur que de mal mais la famille Monneret doit affronter les réprimandes d’une partie du paddock.
L’ouverture par son père d’une école de pilotage va lui permettre de parfaire sa technique et son style. Pour ses 12 ans, Philippe est associé à son père à Montlhéry pour le lancement du cyclomoteur Peugeot 104. Leur mission : tourner pendant 24 heures sur le circuit de 3,3 kilomètres. Les deux équipiers ont dû trouver le temps long au guidon d’un engin qui dépasse à peine les 50 km/h. Même les meilleurs peuvent avoir des moments de faiblesse. «Durant la nuit, mon père, qui avait 62 ans, s’assoupit une fraction de seconde et loupe le virage de la Ferme», nous a raconté Philippe. Au terme des deux tours d’horloge, le 104 a couvert 1 256 kilomètres.
Philippe fait honneur à son nom de famille. Il poursuit l’histoire familiale avec panache mais doit attendre ses 16 ans pour remporter sa première victoire en 125 sur une Yamaha, à Nogaro. L’année précédente, son père lui a confié les rênes d’une école de pilotage de cyclomoteurs pour jeunes sur l’île de Puteaux. Trois ans plus tard, il crée sa première moto-école qui dispense aujourd’hui 12 000 formations par an, depuis les enfants jusqu’au pilotage sur circuit. On y croise des gens célèbres, comme dans une galerie de portraits. Devenue EasyMonneret en 2011, son école de formation désormais en ligne est devenue leader de son secteur en France. L’an dernier, il a renoué avec l’île de Puteaux avec une piste école dédiée aux motos 100 % électriques, une première.
Avec Philippe, le nom Monneret continue de briller. Trois ans après son premier Bol d’Or, il oriente sa carrière vers l’endurance. Une trajectoire récompensée par la victoire des 24 Heures du Mans Moto 1991 avec Bruno Bonhuil et Rachel Nicotte sur une Yamaha. En 1994, Philippe devient vice-champion du monde d’endurance après une saison qui l’a vu occuper régulièrement les avant-postes. Cette année-là et la suivante, il participe au grand prix de France 500, l’équivalent de l’actuel MotoGP. Homme de défi comme son père, Philippe devient le pilote le plus rapide du monde sur circuit en 2015, atteignant 357 km/h avec une Kawasaki à compresseur dans la ligne droite du Mistral, sur le circuit du Castellet, pour l’émission Auto-Moto sur TF1. Dans la transmission comme Georges, il fait partager ses connaissances et son expertise du secteur de la moto en commentant les grands prix à la télévision depuis de nombreuses saisons.