On ne refuse rien à Walter Röhrl, le double champion du monde des rallyes devenu ambassadeur et pilote d’essai et de développement Porsche. Il a suffi que le pilote allemand fasse part de son enthousiasme auprès des décisionnaires de la marque, après avoir conduit cette drôle de 911 surélevée, pour que la situation se débloque. Depuis dix ans, Thomas Krickelberg, le responsable du développement de la 911, et son équipe se désespéraient d’essuyer le veto d’une direction des ventes et du marketing peu encline à prendre des risques. Elle n’a pas eu à le regretter puisque la série limitée de 2 500 exemplaires numérotés est presque déjà épuisée, en à peine quelques semaines de commercialisation. Une autre version serait déjà à l’étude, la preuve que le concept de cette sportive à moteur en porte-à-faux arrière est inépuisable.
Commencée avec la précédente génération 991, la genèse de cette 911 très spéciale fut loin d’être un fleuve tranquille. Faute de pouvoir disposer d’un coupé, les ingénieurs ont ainsi débuté leurs travaux avec un cabriolet prélevé sur la chaîne. Et comme il était écrit que rien ne leur serait facilité, même le choix du nom a donné du fil à retordre. L’idée initiale de la baptiser «Safari», en référence aux exploits des 911 dans l’épreuve africaine au cours des années 1970, s’est heurtée au refus du constructeur indien Tata, propriétaire du nom. Après négociation avec ASO, la société organisatrice de l’épreuve portant le nom de la capitale du Sénégal, l’appellation «Dakar» l’a emportée. Une décision judicieuse qui renvoie aux deux succès de Porsche dans la classique africaine en 1984 et 1986. Voici comment la gamme 911 s’est enrichie d’une version capable, aussi bien, d’affronter les dunes de sable que de patauger dans un gué ou de traverser un chemin forestier enneigé.
La Dakar joue vraiment sur les ressorts de la nostalgie. Au premier regard, cette version passe pour la petite-fille des 911 engagées dans les épreuves africaines. C’est encore plus vrai avec la décoration semblable à celles des voitures engagées à l’East Africain au début des années 1970 (+ 4 200 €) ou à la Martini de 1978 (+ 6 000 €) ou à celles des victoires au Dakar avec René Metge (+ 26 280 € avec le toit carbone et divers équipements). La recette, simple, est celle à laquelle Audi, par exemple, recourt pour ses modèles Allroad.
À partir d’une coque élargie de 911 Carrera 4 GTS, la Dakar adopte la panoplie du parfait baroudeur à base de passages de roue soulignés d’un jonc en plastique noir, de protections de bas de caisse latéraux en acier, de sabots avant et arrière et d’un soubassement partiellement caréné. Elle y ajoute un angle d’attaque et de sortie en tout-terrain supérieur à celui du Cayenne grâce à son empattement court. Une performance obtenue lorsque les suspensions à grands débattements sont en position haute. Dans ce cas, déjà rehaussée de 50 mm de série par rapport à une Carrera dotée du châssis sport, la garde au sol gagne encore 30 mm pour atteindre 191 mm. Une position qu’elle peut tenir jusqu’à 170 km/h.
Au-delà, c’est-à-dire jusqu’à 240 km/h, la vitesse autorisée par les pneumatiques Pirelli Scorpion à gros crampons et flancs renforcés développés spécifiquement pour la voiture, la garde au sol reprend sa position initiale. Porsche n’a rien négligé: au cas où la bête viendrait à s’enliser, des crochets à l’avant et à l’arrière permettront de remorquer la Dakar. Si la situation devenait vraiment critique, il sera même possible de compter sur des plaques de désensablement (+ 246 €) et une pelle pliante (+ 181 €), à condition d’avoir coché l’option galerie de toit avec projecteurs facturée 5 400 euros.
En prise directe avec la route
En dépit de ces modifications, la prise de poids se limite à dix kilos grâce à l’emploi d’un capot avant et d’un aileron arrière fixe en plastique renforcé de fibres de carbone mais également d’une insonorisation allégée, d’un vitrage aminci et de la suppression des sièges arrière. Cela se traduit dès les premiers kilomètres par la sensation d’être en prise directe avec la route et ses imperfections. La Dakar tourne le dos à l’univers aseptisé de la 992. Des remontées vibratoires et la sonorité du flat-six en échappement sport envahissent l’habitacle et donnent l’impression de conduire une voiture de course. C’est encore plus vrai avec le pack sport rallye (+ 3 558 €) associant un arceau de sécurité, des harnais de sécurité et un extincteur. N’allez pas en déduire que la particule Dakar a rendu la 911 inconfortable. En raison de ressorts de suspension assouplis pour sortir des sentiers battus, les mouvements de caisse sont plus importants. Le mode Sport de la suspension pilotée les endigue, au prix d’une certaine fermeté. En tournant vers la droite le bouton rotatif situé sur le volant, on peut activer deux nouveaux modes de conduite: «rallye» pour les sols meubles et «offroad» pour les sols sablonneux et rocailleux. Le premier nous accompagne pour quelques pas de danse sur une piste verglacée, près de Zell Am See, le fief autrichien de la famille Porsche. On découvre une 911 dotée d’un train arrière plus permissif mais qui s’apprivoise très facilement grâce à l’efficacité de ses systèmes électroniques comprenant les quatre roues motrices et directrices et des barres antiroulis pilotées. Un tour avec le grand Röhrl finit de nous convaincre: la Dakar s’embarque dans de larges dérives parfaitement maîtrisées par une action coordonnée au volant et à l’accélérateur. Au volant de cette 911 qu’il a d’ores et déjà commandé, le champion allemand semble retrouver une nouvelle jeunesse.
Notre avis
Et si c’était ça la 911 aujourd’hui? Une voiture de grand tourisme polyvalente, capable de vous emmener n’importe où et de vous procurer, à la première escapade hors des sentiers battus, des sensations fortes. Cela n’a pas de prix par les temps qui courent.
Fiche technique
Moteur: 6-cylindres à plat biturbo
Cylindrée: 981 cm3
Puissance: 480 ch à 6 500 tr/min
Couple: 570 Nm de 2 300 à 5 000 tr/min
Transmission: Intégrale, boîte Auto. PDK 8 vitesses
Dimensions (L/l/h): 4 530 x 1 864 x 1 338 mm
Coffre: 132 litres
Poids: 1 605 kg
Performances (0-100 km/h): 3,4 secondes
Vitesse: 240 km/h
Consommation: 11,3 l/100 km
Emissions CO2 (Mixte UE): 256 g/km
Prix: 226 689 €
