Personne ne l’a vu venir. Personne ne le connaît vraiment. S’il est encore un nain chez nous, BYD (prononcez «biwaïdi»), ou Build Your Dream, est déjà un géant de l’automobile, essentiellement électrique. Non content de fournir les piles à de nombreux groupes, dont Tesla, Mercedes et Stellantis, le constructeur chinois a décidé d’investir le marché avec ses propres voitures. Et cela lui réussit plutôt bien. L’année qui vient de s’achever l’a sacré champion mondial du véhicule à batterie, avec plus de 3 millions de véhicules vendus. Rien qu’au mois de décembre, ses ventes ont représenté plus de 10% de son volume annuel, soit une augmentation de 45% par rapport au même mois de l’année 2022. Ce n’est qu’un début. BYD ne compte plus se satisfaire de son marché domestique, pourtant le plus grand au monde.
Il tisse sa toile partout dans le monde, suivant l’exemple de Tesla, dont il se pose en principal concurrent. Il va ainsi construire une nouvelle usine en Hongrie pour alimenter le marché européen, contournant ainsi les réglementations renchérissant les productions chinoises. À la différence de l’américain qui a révolutionné la distribution automobile en renonçant au modèle des concessions à l’ancienne, privilégiant les showrooms dans les centres commerciaux, l’offensive de BYD va s’appuyer sur un réseau de distribution physique. Rien qu’en France, on devrait compter près de 100 distributeurs à l’horizon 2025. D’ici là, les consommateurs se seront familiarisés avec la gamme de modèles qui ne cesse de s’agrandir. La dernière en date, la berline Seal, fait déjà figure d’épouvantail.
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Prenant pour cible la Tesla Model 3, cette familiale deux volumes mais sans hayon repose sur une silhouette qui se fond parfaitement dans le paysage européen. Dépassant sa rivale américaine de 110 mm, la Seal adopte des lignes joliment travaillées et dénuées de porte-à-faux. Ce style chapeauté par Wolfgang Egger, qui a œuvré chez Alfa Romeo, Audi et Lamborghini, est récompensé par un excellent Cx aérodynamique de 0,21. La carrosserie basse aux allures de coupé, qui renvoie à la Peugeot 508, a pu être obtenue grâce à une batterie extrafine de 110 mm coiffée d’un bloc en nid-d’abeilles et faisant office d’élément structurel du châssis.
C’est ainsi que la Blade Batterie, composée de 172 cellules en forme de lames, participe à la rigidité de la Seal et permet d’améliorer la résistance en cas de choc. BYD assure que ses batteries sont aussi résistantes à la perforation par des clous, le test le plus exigeant. À la différence de nombre de ses concurrents, BYD a privilégié la technologie LFP (lithium, fer, phosphate), au lieu de la chimie NMC (nickel, manganèse, cobalt), pourtant plus performante par temps froid.
Ambiance épurée
On descend donc à bord de cette grande berline à l’empattement de 2,92 m. La présentation est de qualité et le toit en verre panoramique recouvrant intégralement l’habitacle participe de la luminosité. En termes de qualité perçue, les matériaux végans détonnent. Le toucher du mobilier hésite entre la suédine et le plastique. Si l’ambiance est très épurée, la Seal ne va pas aussi loin que Tesla, conservant un bloc d’instrumentation numérique rectangulaire de 10,25 pouces. Disons-le, en venant d’un véhicule classique, un conducteur trouvera plus facilement ses marques qu’au volant d’une Tesla.
Sur le tunnel central surélevé, BYD a eu la bonne idée de conserver la commande de la transmission, les boutons de gestion du système de chauffage/climatisation, des modes de conduite (éco, confort et sport), de l’antidérapage et du volume de la hi-fi. Au centre de la planche trône une énorme dalle multimédia de 15,6 pouces. Pour épater la galerie, à l’aide d’une touche au volant, l’écran pivote indifféremment en mode portrait ou paysage. Quant à la navigation dans les menus et les pages, elle s’effectue naturellement d’un simple balayage d’un doigt sur l’écran, comme avec un smartphone.
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Si l’habitabilité est généreuse, s’installer aux places arrière requiert de courber l’échine. Passé l’effort, les places sont spacieuses. Par contre, la malle du coffre s’ouvre sur un espace étroit et de seulement 400 litres. C’est moins bien que Tesla, mais la Seal peut compter sur les 53 litres supplémentaires disponibles sous le capot avant. Au fil de la circulation dans le système d’infodivertissement, on note l’absence regrettable d’un planificateur d’itinéraire, pourtant bien utile pour voyager sereinement en véhicule électrique. À la place, la carte de navigation recouvre la zone géographique que l’on peut atteindre avec la capacité résiduelle de la batterie à partir du point GPS où l’on se trouve.
Le rendement des batteries
Sur le papier, on dispose donc d’un rayon d’action de 570 km avec le modèle à un seul moteur que nous avons essayé. Équipée de la même batterie de 82,5 kWh bruts, la version 4 roues motrices à deux moteurs de 530 ch rend 50 km. Les 313 chevaux du modèle propulsion, une puissance réservée encore voici peu à des GT, suffisent amplement, autorisant des accélérations peu courantes à ce niveau de gamme. Les 100 km/h sont atteints en 5,9 secondes et les relances sont éclair, autour de 80-100 km/h. Dans ce domaine, la Tesla Model 3 fait presque jeu égal mais se montre plus sobre. Au volant de la Seal, nous avons consommé en moyenne 18,8 kWh/100 km avec des pics entre 24 et 26 kWh sur l’autoroute, ce qui se traduit par une autonomie de l’ordre de 300 km.
C’est beaucoup, mais l’hiver n’est pas la meilleure période pour le rendement des batteries. Côté recharge, la Seal peut atteindre un pic de 150 kW dans le meilleur des cas, mais nous devrons nous contenter de 136 kW avec une capacité résiduelle de 40%. À 66%, la puissance chute à 79,2 kW de puissance. Chez Ionity, nous avons ainsi récupéré 41 kWh en 23 minutes à un tarif de 0,60€/kWh, soit un coût de 25,54 euros. La Seal peut donc envisager les longs trajets sans retenue où l’on appréciera son confort et la puissance de régénération au lever de pied qui dispense de freiner. À revoir, toutefois, la mollesse de la pédale de frein, qui peut donner des sueurs froides en cas de freinage d’urgence, un système de lecture des panneaux routiers tellement sensible qu’il capte toutes les indications et les légères pertes de motricité du châssis sur chaussée mouillée.
Notre avis
Certes, la BYD n’est pour le moment pas éligible au bonus mais elle a déjà marqué des points en faisant partie des sept finalistes à l’élection de la voiture de l’année 2024. La Seal représente une bonne synthèse de ce que l’on attend d’une berline électrique de grande diffusion. Pour se hisser au niveau des meilleurs, il lui faudra remédier à l’absence de planificateur d’itinéraire, améliorer une puissance de charge en léger retrait et réduire une consommation aujourd’hui plus élevée que celle de la Tesla Model 3. Par contre, la BYD peut faire valoir une garantie 6 ans ou 150 000 km et 8 ans et 200 000 km pour la batterie.