«L’émotion est l’ingrédient essentiel de tout dessin». Shunji Tanaka est formel. Pour ce grand designer japonais, père des lignes de la gamme actuelle des motos de Kawasaki, ainsi que, il y a déjà une trentaine d’années, de celles de la Mazda MX-5, l’allure d’un véhicule est primordiale. Elle doit exprimer un ressenti, un sentiment, une âme.
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Il faut dire que l’on vient de très loin en matière de deux-roues motorisés. Certes, Piaggio avait créé la rondouillarde Vespa (guêpe, en italien) à la fin des années 1940, un style sympathique de «motomobile» qui perdure encore au sein des scooters.
À part quelques tentatives de carénage, ou de capotage, plus ou moins réussies, spécialement outre-Manche, le deux-roues motorisé n’était guère soigné du point de vue du style. Il a longtemps été perçu comme un véhicule utilitaire. D’où un design inspiré par les ingénieurs et les mécaniciens: il fallait que le moteur soit bien refroidi et que ses organes (carburateurs, embrayage) soit accessibles. Tout au plus, on chromait ou on polissait ici et là quelques éléments à titre décoratif.
Tout change à l’orée des années 1970, quand la moto devient un engin de loisir, et aussi de séduction. En 1968, Honda lance sa célèbre 750, aux lignes et aux proportions harmonieuses, tout comme sa grande concurrente, la Kawasaki 900.
Honda, encore lui, diffusera un peu plus tard une ligne «européenne» pour certaines de ses machines. Suzuki, au début des années 1980, innove avec sa Katana et ses formes singuières, dictées par l’aérodynamique.
Les marques du Vieux Continent réagissent avec un temps de décalage. En 1995, Aprilia sort cependant une 650 dessinée par Philippe Starck, un designer de renom. Les labels japonais se réinventent lors des années 2000 en s’inspirant cette fois du style «manga», surtout le Seinen, flirtant avec la science-fiction et le fantastique.
La Vultus de Honda semble ainsi être le destrier de Batman ou de Dark Vador. Adulées ou détestées, les motos «manga» expriment cependant quelque chose. Mais le néorétro tente aujourd’hui un grand retour parmi les petites et moyennes cylindrées. La moto souffrirait maintenant plus d’un excès de styles que d’une carence. Mais elle offre une indéniable diversité de lignes et de formes.