Avec l’augmentation «excessivement élevée» du prix des voitures depuis quelques années, l’achat d’un véhicule neuf est devenu un casse-tête. Sur le moment, la somme demandée par le concessionnaire est la principale préoccupation de l’acheteur. Pourtant, il faudrait déjà penser à la revente. Comme le montrent les données exclusives que nous dévoilons, certains modèles perdent jusqu’à 75% de leur prix initial en seulement cinq ans, quand d’autres n’accusent qu’une légère baisse.
Pour identifier les valeurs sûres, Le Figaro a classé les 30 modèles neufs les plus vendus de 2018, selon l’évolution de leur valeur cinq ans plus tard sur le marché de l’occasion. Découvrez quelles sont les voitures qui permettent de ne pas perdre trop d’argent et celles avec lesquelles on roule à fonds… perdus.
Les facteurs qui influencent les prix
Depuis la crise Covid, le marché automobile d’occasion a connu une forte progression, au détriment d’un marché du neuf qui tournait au ralenti (retard à la production, problèmes d’approvisionnement de pièces, prix «excessivement» élevés…). Conséquence directe : les prix des véhicules d’occasion ont atteint des niveaux records en 2023, faisant le bonheur des vendeurs particuliers ou professionnels. Si les experts du secteur estiment que «la poule aux œufs d’or en occasion, c’est fini» et s’attendent à une baisse progressive des prix, il n’est peut-être pas trop tard pour revendre à prix avantageux votre véhicule actuel. En parallèle, la fin annoncée des moteurs thermiques en 2035 a profondément chamboulé le marché de l’automobile, et rend sans-doute inévitable le passage à l’ère électrique à moyen ou long terme.
Finalement, qu’est-ce qui influence la décote d’un véhicule ? Au-delà des variables inhérentes à l’usage du véhicule par son propriétaire (kilométrage, état de la carrosserie, ancienneté, nombre de propriétaires, etc.), Nicolas Carron, responsable expert valorisation à L’Argus, identifie d’autres facteurs importants. La catégorie énergétique tout d’abord : comme à l’époque lorsque l’essence perdait plus vite sa valeur que le diesel, aujourd’hui c’est l’électrique qui se déprécie plus facilement que les véhicules à moteur essence et diesel (voir ci-dessous). L’accord du véhicule avec son époque (style, design et technologies embarquées) revêt également une certaine importance. «Une voiture en fin de génération avec une ligne design un peu datée, qui n’est plus produite ou n’est pas un minimum connectée, ça casse la valeur», souligne Nicolas Carron. Enfin, l’apparition des longues garanties (jusqu’à sept ans pour les modèles du constructeur sud-coréen Kia) est venue changer la donne, avec des voitures qui restent mieux cotées lorsqu’il leur reste encore quelques années de garantie devant elles.
Dacia et Fiat 500 : de faibles décote en perspective
Tout en haut de ce palmarès, on retrouve la Duster, SUV le plus vendu en Europe, ainsi que la Sandero (berline), deux modèles de la marque roumaine Dacia. Entre 2018 et 2023, ils ont perdu respectivement 14,4% et 18,1% de leur valeur initiale, loin des 74,6% pour la C4 Picasso, monospace de Citroën dont la production s’est arrêtée en 2020. Cette faible dépréciation des Dacia témoigne, selon Nicolas Carron, du ratio prix/équipement attractif des véhicules de la marque du groupe Renault. «Ils proposent une offre presque égale à la concurrence (voitures connectées, modèles hybrides…), mais à des prix bien moins chers, salue-t-il. Même avec une décote finale très faible, les prix d’occasion restent attractifs et cela crée une émulation.»
Également sous la barre des 20% de décote, la Fiat 500 présente un schéma un peu inverse puisqu’«elle a toujours été un peu chère, en témoigne le prix de son modèle électrique», continue Nicolas Carron. La micro-citadine italienne bénéfice néanmoins d’un effet de mode qui la fait perdurer dans le temps. «Il y en a beaucoup sur le marché mais peu qui sont pareilles, tellement il y a de versions marketing différentes. Chacune garde ainsi une certaine valeur. Je vous mets au défi de trouver une Fiat 500 à moins de 10.000 euros !», s’amuse-t-il.
Les voitures produites outre-Rhin jouissent aussi d’une bonne réputation qui se ressent sur la décote de leurs modèles. C’est notamment le cas pour les Volkswagen T-Roc ( -25,5%) et Golf (-28,5%). «En France, la marque a cette image de voiture imperturbable qui dure dans le temps. C’est la qualité allemande, avec des voitures aux multiples générations comme la Golf ou la Polo», note Nicolas Carron.
Les «ventes tactiques» tirent les prix des voitures françaises vers le bas
En ce qui concerne les voitures françaises représentées notamment par Citroën, Peugeot et Renault (36% du marché français en 2023), on les retrouve un peu plus bas dans ce classement. Dans le secteur de l’occasion, ces marques pâtissent de leur présence sur leur marché domestique. «Sur ces modèles, on va observer beaucoup de “ventes tactiques” qui consistent, pour les constructeurs, à immatriculer un certain nombre de véhicules dans les derniers jours du mois pour faire du volume, analyse Nicolas Carron. Mais après, les concessionnaires se retrouvent à devoir écouler des modèles identiques, puis stocker ceux qu’ils n’arrivent pas à vendre, alors que d’autres arrivent encore. Donc ils finissent par réduire les prix ce qui augmente leur décote.» «Si vous allez en Allemagne, vous observerez ce même effet pour les marques allemandes», précise-t-il.
L’incertitude de l’électrique sur le marché de l’occasion
Si nos données illustrent une décote moyenne, toute motorisation confondue, la donne ne sera pas la même selon les modèles. Les voitures électriques, bien que de plus en plus prisées sur le marché du neuf (17% des ventes en 2023) sont ainsi beaucoup moins cotées sur celui de l’occasion en raison de l’évolution permanente de la technologique des batteries, qui crée de l’incertitude. «Aujourd’hui, on sait qu’un véhicule électrique acheté neuf pourrait être obsolète d’ici cinq ans. Le client qui achète d’occasion, il n’a pas envie de la payer cher», observe Nicolas Carron. Cet attentisme constaté pour l’achat d’un véhicule électrique en raison des inconnues qui subsistent (temps de recharge, nombre de bornes, autonomie), continue de soutenir le marché de l’occasion pour les autres types de motorisation. «Il y a l’obligation de 2035, mais tant qu’on aura en parallèle les deux types d’énergie sur le marché, cet attentisme de la clientèle va perdurer», prédit-il.
Certaines alternatives tirent leur épingle du jeu, comme les voitures hybrides. Si leur vertueuseté écologique est questionnable, elles permettent, selon Nicolas Carron, de «mettre un premier pas dans l’électrification, sans être dépendant de ces incertitudes. Et ce sont des voitures qui se revendront très bien dans trois-quatre ans, car la France est un pays de petites voitures éco.»
Méthodologie
Sélection des modèles de voiture : nous avons sélectionné les 30 modèles de voiture les plus immatriculés (entre 16.907 pour le Volkswagen T-Roc et 123.668 pour la Renault Clio) en neuf en 2018. Bien qu’elle figure dans le tableau, la Citroën C4 Cactus n’a pas été classée en raison d’un manque de données – Source : NGC-Data
La méthode de calcul : pour chaque modèle de voiture, nous avons calculé un taux d’évolution entre le prix neuf moyen en 2018 et le prix d’occasion moyen constaté en 2023. Dans le tableau final, chaque modèle est classé par rapport aux autres en fonction de cet unique critère, afin de mettre en valeur ceux qui ont le moins perdu de valeur entre 2018 et 2023.
Voici le détail des données utilisées pour produire nos indicateurs :
- Prix moyen neuf à l’achat du véhicule en 2018 – Source : NGC-Data
- Prix d’occasion moyen en 2023 pour des annonces de véhicules immatriculés en 2018 postées par les professionnels et particuliers – Source : Leboncoin