Il les a toutes eues. Toutes celles qui font rêver les collectionneurs du monde entier. Rien que des voitures de sport. À peine sorti de trois ans passés dans le corps des marines, Steve McQueen s’achète courant 1952 – il a 22 ans – une MG TF, un roadster de sport, avec ses économies et ses gains au poker. Il s’en sépare assez vite, après avoir essuyé trois casses du pont arrière. Manifestement, la décapotable anglaise n’était pas la voiture idéale pour circuler dans Manhattan et la moto devient son moyen de locomotion favori.
Lorsqu’il s’installe en Californie avec la danseuse professionnelle Neile Adams avec qui il s’est marié en novembre 1956, McQueen renoue avec sa passion des automobiles sportives. Il faut le suivre, car il change souvent de bolide. Dans son garage se succède le summum de la production. Il achète coup sur coup une Austin-Healey et une Chevrolet Corvette que sa femme amoche sérieusement dans un accrochage.
Devenu l’étoile montante du cinéma hollywoodien, à la fin des années 1950, l’acteur américain succombe à des modèles de plus en plus exclusifs. Pour remplacer la Corvette, il acquiert une Siata 208 S. Dérivé de la Fiat 8V, ce roadster italien ressemble à une AC Bristol. C’est un choix d’esthète. Sa production est vraiment confidentielle: à peine 35 exemplaires, dont la majorité sera exportée en Californie. McQueen achète la sienne chez Ernie McAfee, qui possède un garage sur Sunset Boulevard, à Hollywood. Il vendait toutes sortes de voitures de sport italiennes dont les Siata. Un peu trop capricieuse, la belle italienne nécessite un entretien pesant. McQueen la remplace par une Porsche 356. Pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit d’un Speedster, la version la plus réputée de la première Porsche et la principale rivale des roadsters anglais des fifties. C’est la première voiture neuve de McQueen. Le Speedster est coursifié: il reçoit un arceau et des roues Rudge à serrage central ; les pare-chocs sont retirés. Avec sa Porsche, il s’aligne dans plusieurs courses du championnat américain SCCA. Cependant, Steve McQueen trouve ses performances insuffisantes. Il la vend pour une véritable voiture de course: une barquette Lotus XI identique à celles qui brillent aux 24 Heures du Mans. La Porsche est vendue.
«Le Speedster retrouve Malibu»
Dans son livre McQueen et ses machines, Matt Stone raconte qu’au début des années 1970 l’acteur retrouve la trace de son Speedster avec l’aide de son ami Robert Petersen. Au début, il ne voulait pas croire que le nouveau propriétaire, Bruce Meyer, possédait son ancienne voiture. Finalement un rendez-vous est pris. Meyer raconte que McQueen lui a demandé d’ouvrir le coffre avant. «Quand il a vu le pneu Racing, il est devenu comme fou. Puis, il a soulevé le tapis derrière les sièges et découvert les fixations de l’arceau. Il m’a dit c’est ma voiture, je la veux!», racontera Meyer, qui n’avait pas l’intention de s’en séparer. On ne résiste pas à McQueen. Harcelé par la star des écrans qui l’appelle toutes les semaines pendant plusieurs mois, l’homme à la Porsche finit par craquer. Le Speedster retrouve le garage de la propriété de McQueen, à Malibu.
Il faut croire que la star regrette de se séparer de ses bolides parce qu’au cours des années 1970, il va multiplier les initiatives, tantôt bienveillantes, tantôt belliqueuses, pour récupérer la Jaguar XKSS de 1956 qu’il avait vendue au Musée Harrah de Reno. Là encore son obstination paie: le roadster anglais retrouve l’écurie de l’acteur. Tous les collectionneurs s’accordent à penser qu’il n’aurait jamais dû s’en séparer. L’histoire de la XKSS est entourée d’un parfum de légende. La biplace anglaise n’est autre que la version routière de la fameuse Type D couverte de gloire sur les circuits du monde entier et victorieuse à trois reprises des 24 Heures du Mans, de 1955 à 1957.
Il assurait lui-même l’entretien
Au moment où il renonce à poursuivre son engagement en compétition et à suivre la course à l’armement entretenue par Ferrari et Maserati, Jaguar se retrouve avec 25 châssis de Type D sur les bras. C’est alors que sir William Lyons, le patron de la marque, décide d’affecter les châssis restants à la conception d’une voiture de route. La XKSS est née. Elle se distingue de la Type D par l’absence de dérive arrière, l’installation d’un grand pare-brise, de vitres latérales, d’une capote rudimentaire en tissu, de pare-chocs chromés, de feux arrière de XK140 et d’un porte-bagages sur la malle arrière, la suppression de la séparation entre les deux baquets garnis de cuir et l’apparition d’une petite portière, côté passager. Seulement 16 voitures seront produites avant qu’un incendie ravage l’usine de Browns Lane le 12 février 1957 où étaient encore stockées les neuf exemplaires en cours de montage. Plus rare qu’une Type D, la XKSS est estimée aujourd’hui à 16 millions de dollars. McQueen aurait déboursé à peine 5000 dollars en 1958 pour acquérir ce bijou mécanique qui a toujours été l’un de ses favoris. Il n’hésitait pas à plonger les mains dans les entrailles pour en ni à se relever la nuit pour en preassurer lui-même l’entretien ndre le volant et escalader Mulholland, un ruban d’asphalte qui serpente sur les hauteurs de Los Angeles. Au risque de réveiller tout un quartier avec les vocalises du XK en échappement libre.
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Cela ne se refuse pas. Pour ses 34 ans, McQueen reçoit en cadeau de sa femme, Neile, une berlinette 250 GT Lusso de 1963. C’est sa première Ferrari. Il en aura deux autres, une 275 Spyder NART et une 275 GTB/4. La Lusso devient sa préférée pour les grandes excursions. En parallèle, l’acteur, qui n’aime rien d’autre que passer sa vie au volant, ne se fait pas prier lorsque le magazine Sports Illustrated lui demande d’évaluer les voitures de sport du marché pour son édition du 8 août 1966. Sur la piste de Riverside, il passe en revue tout ce qui se fait de mieux avec un plaisir immense. Lors de ces essais, il découvre la Porsche 911, qui débute sa carrière aux États-Unis. Il en possédera plusieurs exemplaires dont le modèle qui apparaît au début du film Le Mans et qu’il utilisera pendant toute la durée du tournage. Lorsqu’il rentre à Los Angeles début 1971, la 911 gris ardoise est dans ses bagages. Il s’en sépare rapidement. Elle réapparaît aux enchères à Pebble Beach, où elle est adjugée 1,375 million de dollars, soit une surprime équivalente à 9 fois la cote du modèle. Décidément, Steve McQueen transforme tout ce qu’il touche en or.
Ferrari 275 GTB/4, une berlinette pour Beverly Hills
En décembre 1967, Steve McQueen décide d’acquérir la 275 GTB/4 (numéro de châssis 10 621) en vente chez Hollywood Sport Cars de Chic Vandagriff. Un achat uniquement motivé par le fait que sa 275 Spyder NART – la même que celle que Faye Dunaway conduit dans L’Affaire Thomas Crown – tarde à être réparée après avoir été heurtée à l’arrière à Malibu. Il faut croire que la teinte noisette n’est pas à son goût puisque, immédiatement après son achat, McQueen fait repeindre la berlinette italienne en rouge foncé. Il prélève deux équipements du Spyder NART: les roues à rayons Borrani et le rétroviseur obus qu’il fixe le long de l’aile avant gauche. C’est au volant de sa 275 GTB/4 qu’il se rend sur le tournage de Bullitt. En 1971, il la vend à l’acteur Guy William réputé pour incarner Zorro à l’écran.
La voiture est l’une des vedettes de la vente aux enchères que la maison RM Sotheby’s organise ce mois d’août, en marge du concours d’élégance de Pebble Beach. La 275 GTB/4 est présentée au salon de Paris, en octobre 1966. Elle dérive de l’élégante berlinette 275 GTB de 1964 qui avait succédé à la 250 GT Lusso. La GTB/4 est la première Ferrari de route à être propulsée par un V12 à quatre arbres à cames en tête. Dérivé de celui qui équipe les prototypes P2 du Mans, le 3,3 litres délivre 300 ch. Jusqu’au printemps 1968, Ferrari produira 350 exemplaires de sa berlinette. La 365 GTB/4 Daytona à moteur avant V12 4,4 litres prend alors le relais.